Combien d'entre nous cherchant à exprimer leurs pensées le plus fidèlement possible et se trouvent devant une inextricable jungle où le sens prête tellement à confusion qu'on devrait ensuite, une fois les mots couchés, faire face à toutes les critiques, à toutes les attaques, sans pouvoir les faire cesser ni même avoir une chance d'être un peu mieux compris, ni même pouvoir placer un petit bout de mot.
On a beaucoup parlé du sens de la "Vie", chacun y va de sa définition, de son jargon, de son éclairage, de sa philosophie, mais on a toujours ce sentiment qu'on n'est jamais au bout de nos efforts, avec toute la lucidité possible et imaginable.
Parfois, lors d'une lecture d'un texte, subitement on est happé par les mots fluides qui coulent simplement,en s'incrustant dans le canal; la pensée si bien exprimée, telle qu'on la souhaitait voir écrite et dite, coulant de source, comme on dit!
Voici ce que le grand poète Boris Pasternak, par la bouche du "Docteur Jivago", oppose à l'idéologie révolutionnaire, dans le régime soviétique, sur la Vie :
" Ce n'est pas une définition de la Vie, car la vie est précisément ce qui, en tout être vivant, échappe en dernier ressort à toute définition. Mais ce résidu irréductible de notre connaissance rationnelle, il nous est donné de l'éprouver en nous comme une suprême réalité et la suprême valeur. La Vie, en nous, est ce qui échappe à notre volonté, mais aussi ce qui la fonde. Elle est ce qui ne nous appartient pas, mais aussi ce qui nous a été personnellement confié, et qui n'appartient qu'à nous. Elle est plus vaste que le moi, mais c'est dans notre moi que nous la saisissons à l'oeuvre. Il n'est pas en notre pouvoir de la transformer; mais il nous est donné d'accomplir en nous son oeuvre la plus haute, à la seule condition de savoir entendre sa voix et lui rester fidèle.
Etre fidèle à la vie, pour Pasternak, c'est veiller à garder intactes les sources vives du langage, et c'est en cela qu'il est poète. La poésie, il la définira un jour comme le langage du fait organique, c'est à dire d'un fait qui comporte des suites vivantes
Cette idée, que d'autres ont formulée en termes d'inspiration ou de subconscient, traduit le sentiment que le langage est poésie par cet élément mystérieux qui échappe à la claire volonté de son créateur, et plonge ses racines dans les régions où la personnalité se façonne en dehors du regard de la conscience. C'est dans la poésie, par le recours au sentiment poétique de la réalité, à l'instinct poétique du langage que Pasternak ne cessera de chercher la vérité.
Etre fidèle à la Vie, c'est être fidèle à soi...."
Merci pour le rappel de ce joli texte qui en plus ma remis en mémoire le film avec Omar Sharif (ah, Omar Sharif!) et la chanson de Lara!
RépondreSupprimerC'est vrai que c'était un très beau film dont le premier rôle était joué par cette icone qu'était Omar Sharif, c'est dire l'importance du film et du thème en question.Bisou Isabelle
RépondreSupprimer"Veiller à garder intactes les sources vives du langage"
RépondreSupprimerNulle définition ne saurait être plus claire, ni davantage correspondre à ce pourquoi je vis, et ce à quoi j'aspire. En un mot comme en cent, je me sens comme une lampe tempête dans la nuit, sans relâche à veiller pour que les mots sans cesse se renouvellent, explosent, se tissent, s'enlacent , se fassent et se défassent pour le plus grand bonheur de mes lecteurs. Et tous ces mots se retrouvent au coeur d'une contrée sauvage qu'on appelle la poésie, que tu arpentes avec talent chaque fois que tu prends la plume. Les sources vives du langage, c'est ce qui fonde et constitue notre humanité. Veillons dessus comme sur un bébé endormi.
Bises étoilées
¸¸.•*¨*• ☆
Célestine, je sens que l'écriture est plus qu'une simple matérialisation de la pensée dépourvu d'affect. Quelque part on se relie aux mots. l'écriture est lieu, l'être (lettres?)par excellence, où les mots sans chaines, se mêlent, s'entremêlent, se lient, se délient, s'enchaînent... j'aime beaucoup ta poésie
SupprimerJe découvre Pasternak qui me fascine, il utilise les mots simples sans fioriture, et avec grâce; Il ajoute sur la Vie: "La vie est un don ; en prendre conscience, c’est l’assumer comme un devoir ; assumer la vie comme un devoir, c’est la transformer en destin."
RépondreSupprimerRavi Célestine que ses mots t'aient touchée, toi la chanteuse des mots; Voici une strophe d'un de ses poèmes (ils sont tous étourdissants, fabuleux) :
" Aimer, parfois, c'est un fardeau,
Toi, tu es belle sans replis,
Déchiffrer ton charme équivaut
A trouver le mot de la vie"
Je suis aujourd'hui sous le charme de sa poésie, la poésie d'un autre Boris Vian, le Boris Pasternak. Ils sont la poésie à eux seuls !
Bises pasternakiennes.
RépondreSupprimervous me donnez envie de me pencher un plus sur l'oeuvre de Pasternak.
je m'étais davantage intéressée à l'oeuvre de Marina Tsvetaeva, celle avec qui il a correspondu pendant plus de 15 ans, pour qui écrire était le "vivre-écrire"
un livre sur leur correspondance, à laquelle s'est jointe celle de Rilke "Correspondances à trois" a d'ailleurs été publié ...
l'extrait de poésie cité est vraiment joli.
Je découvre aussi Pasternak même si le nom n'est pas inconnu dans la poésie et surtout avec son grand roman "docteur Jivago" adapté au cinéma, qui lui avait donné une aura internationale et dont même Le prix Nobel lui avait décerné, l'année d'après. Sa poésie est intense et tannée par une existence dure.
SupprimerMerci de votre passage EL Linda